Biographie …
Assis là, seul, le cerveau encore embrumé, je sirote en terrasse mon expresso. Autour de moi, les gens s’agitent un peu trop pour un dimanche matin. Deux hommes à côté parlent forts et refont le match de la veille, une femme feuillette une édition spéciale de Vogue. J’observe.
Malgré tout ce brouhaha, je perçois une musique, quelques notes qui m’apaisent, m’enivrent, quelque chose de mélodieux qui provient de l’intérieur du bar. Je ferme les yeux pour me concentrer. J’écoute.
Des cuivres, une voix douce comme du miel, ça ressemble à de la Soul. Sans doute un truc de la belle époque de la Motown ou de Staxx. Je ferme les yeux et j’y suis presque. Je vois la chanteuse moulée dans une robe, ultra féminine, la taille gainée dans un corset, des mèches ondulées caressant ses épaules, elle a du passer la nuit avec des rouleaux… Je l’imagine, elle chante pour moi, ses immenses yeux noirs maquillés d’un trait épais d’eye-liner, des gants, oui, elle doit porter des gants et avoir la main sur la taille pour creuser son déhanché. Je la sens. A la fois forte et vulnérable, clamant en musique ses amours et ses espoirs. Je l’aime déjà.
La Soul, ce n’est pas pour rien que cette musique s’appelle comme ça. Puiser les émotions au fin fond de son âme et donner une dimension spirituelle à de belles mélodies.
Il me la faut, je veux la connaître, même si je suis persuadé que comme Etta James ou Aretha Franklin, aujourd’hui cette chanteuse doit être morte ou vieille et obèse. Peut-importe, je décide de rentrer dans le bar en dégainant l’outil absolu des mélomanes-un-peu-tricheurs : Shazam.
Je m’avance vers le bar au plus près des baffles ignorant les deux serveurs qui attendent une hypothétique commande. Ils m’observent. Je lance l’application en tendant mon téléphone en l’air. J’ai l’air d’un fou, maintenant tout le monde me regarde. Je compte les secondes. Je mate mon écran : rien. J’attends alors le refrain … toujours rien. Je m’énerve. Les serveurs ricanent.
Puis au bout de quelques secondes à trépigner, enfin, j’esquisse un sourire un peu niais. Je l’ai trouvé, elle s’appelle Loretta.
ZikSpotting : Portraits Sauvages