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Noctilien: visite de l’Ile-de-France dans un bus de nuit de la RATP

Noctilien: visite de l'Ile-de-France dans un bus de nuit de la RATP

23h45, Porte d’Orléans. C’est un samedi comme les autres pour des millions de Parisiens et de touristes qui arpentent les rues de la capitale. Mais cette fois, ce n’est pas avec eux que nous avons rendez-vous. En effet, le Noctilien arrive et c’est avec un chauffeur de bus de nuit de la RATP que nous allons voyager. Direction ? L’Essonne et la ville de Chilly-Mazarin, avec un retour sur Paris jusqu’à Châtelet. Un trajet classique voir même ennuyeux pour les chauffeurs qui ne croisent que peu de voyageurs sur la ligne.

Et les premières étapes du périple ne font que confirmer leurs dires. Après cinq minutes de trajets, le premier arrêt de bus avec un passager, ou du moins quelqu’un, est à portée de vue. Il ne semble pourtant pas décidé à monter dans le bus. « Bon alors t’en veux ou t’en veux pas ? », grommelle entre ses dents le chauffeur… Pas de réaction, le chemin continue. Et il faut dire que personne ne semble être du voyage, après 15 minutes de trajet et avoir traversé Montrouge, Arcueil, Cachan et L’Haÿ-Les-Roses, seul deux passagers sont montés dans le bus pour quelques arrêts seulement. La plupart des personnes aux arrêts demandant simplement leur trajet.

Le Noctilien, un témoin discret de la vie des communes

Ce qui laisse tout le temps à notre chauffeur du soir de nous raconter les anecdotes du métier. C’est à Massy qu’il nous fait rire en regardant d’un oeil complice les lampadaires d’une cité. « Je regarde juste s’il y a une rue complètement noire. En fait, quand ils ont une livraison de stups, ils éteignent complètement la rue pendant la réception de la marchandise. Quand c’est fini, il la rallume, comme ça il font ça discret ». Dans cette cité de l’Essonne, le chauffeur explique qu’à plusieurs reprises, il s’est fait caillasser à cet endroit et que parfois, il sont obligés, par sécurité, de faire le tour de la zone, laissant donc les riverains sans transport en commun… Mais comment faire autrement.

Arrivée de la première étape, le centre de Chilly-Mazarin. Tout comme le trajet, la ville est déserte et seul un jeune homme descend à la hâte pour réussir à attraper sa correspondance en direction de Longjummeau. La seule chose qui vient rompre la monotonie de la ville c’est la discussion des deux chauffeurs au Terminus:

« Tu viens prendre un café ? »
« Non je peux pas je pars là »
« Ah merde, bah c’est calme quand même ce soir… »
« Ouai, bah attend d’être arrivé à Châtelet ».

Les chauffeurs de bus sont des acteurs de ville dans l’ombre de leur métier

Petite pause dans le local, puis c’est reparti pour le chemin inverse. Petit passage le long d’un rond-point où se font remarquer des lapins. Un petit moment de détente et des anecdotes sur les chauffeurs et ces animaux avant de prendre une première passagère en direction de Massy. Mais encore une fois tout est calme. Passage une nouvelle fois dans la cité où ce soir, toutes les lumières sont allumées. Mais le silence est rapidement interrompu par un gros boom.

« En fait c’est les dos d’âne du quartier. Comme les bus sont bas, ils tapent le plancher. Mais avant c’était pire, ils les avaient faits presque carré à la mairie… Du coup, on pouvait même pas passer. On s’est plaint à la ville qui nous a dit que ça prendrait trois mois. Du coup, on a fait le tour sans marquer les arrêts. Ça a bien emmerdé les habitants du coup la ville a fait les travaux en quelques semaines »… Bien que discret, il est facile de prendre conscience que les chauffeurs sont des acteurs des communes. Connaissant les habitudes, les habitants et les évolutions de l’agglomération parisienne dans ses moindres détails.

Dans son histoire, notre chauffeur est interrompu par une voyageuse qui vient de louper son arrêt. Seule dans le bus depuis près d’un quart d’heure, elle s’est vite faite oublier. Mais avec un sourire les porte s’ouvrent. Le bus est à nouveau vide. Mais pas pour longtemps.

Alcool, accidents et violence

Arrivé à Bourg-La-Reine, le Noctilien se remplit un peu plus. Il y a plus de passagers en direction de Paris que de Chilly-Mazarin. Mais tout est calme, une majorité des passagers semblent endormis et attendent d’être arrivé à destination pour se réveiller et sortir brusquement. Si tout est calme, ce n’est pas une généralité. « Une fois, une collègue s’est fait emmerder par des étudiants en école d’ingénieur juste ici. ‘On va te violer, on va te taper’… ils lui disaient », explique le chauffeur. Cette violence verbale est scandaleuse, mais pour les chauffeurs et les employés de la RATP, cela semble presque monnaie courante.

On a tout de même du mal à croire à cette histoire, mais l’arrivée sur Paris nous en donne un aspect crédible. La viande soûle qui traverse les rues de la capitale nous offre un spectacle de télé-réalité à l’abris derrière la grande vitre du bus. Etudiant en train de vomir, ou s’écroulant sur le trottoir sous le poids de l’alcool. Les passagers qui montent dans le bus en direction de Châtelet sont plus bruyants, mais aucun acte d’incivilité n’est à déplorer. On pose tout de même la question à notre chauffeur « C’est souvent comme ça? ». Presque blasé, il nous répond que oui. Mais le pire ce sont les soirs de Noël et du premier de l’an. Outre les passager chargés de cadeau qui travers la capitale en nocturne, certains prennent le volant alcoolisé et deviennent de vrais dangers.

« Une fois, le mec était tellement bourré en voiture qu’il a pris une voies de bus à contre-sens. Il a foncé face au bus sans le voir. Le chauffeur ne pouvait rien faire, il ne pouvait pas changer de voie… Même pas de marche arrière. Et le mec lui est rentré dedans de pleine face. Le chauffeur a eu les jambes bloquées sous le volant qui lui est tombé dessus. Dans la bagnole, les pompiers ont dû désincarcérer le gars… Ils étaient six avec les gosses pour un retour de Noël… Les pompiers ont dit qu’il était fin bourré ».

A trois heures du matin, la nuit ne s’arrête pas

On arrive ensuite dans le centre de Paris au quartier Saint-Michel. Cette fois, le calme et les rues désertiques ont laissé place à une cohue générale, et un trafic important. Le chauffeur redouble d’attention et n’hésite pas à utiliser son alerte sonore lorsque des passagers se retrouve sur la voie, ou que des véhicule lui coupent le chemin. Il prend rapidement le temps de regarder les bus de ses collègues qui opèrent sur la même ligne que lui. Ils sont blindés !

On arrive à Châtelet et il est facile de voir que le second trajet vers Chilly-Mazarin sera un peu plus sportif. Pour nous, le trajet s’arrête ici, mais nous descendons un petit peu avec notre chauffeur lors de ses 20 minutes de pause pour une petite promenade sur la place de l’Hôtel de ville. Il est presque 3 heures du matin. Et au moment de repartir, les passagers se ruent sur les portes pour entrer dans le Noctilien. Tous ne le pourront pas. Et d’une grosse voix, nous entendons notre hôte du soir crier « Dégagez derrière, on peut pas fermer les portes et je ne peux pas partir ». On en vient même à envier l’heure de pointe en semaine.

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