C’est quoi un artiste ? Quelqu’un qui ne laisse pas le choix. Qui donne et on prend ou pas. Un artiste, c’est au-delà du bien et du mal, c’est une voix qui écrit la bande-son de nos vies, qui fixe pour l’éternité nos sentiments, pour qu’ils ne s’effacent pas, malgré les déchirures, les trahisons, les trous noirs. C’est un homme qui se met à nu pour que l’on puisse encore y croire.
Antoine Elie, une chanteur, une voix.
Antoine Elie. 28 ans. Né à Rouen. Haute Normandie. Son premier single, “L’Amas d’Chair”, annonce un futur EP. Et certainement quelques albums qui ne feront pas de prisonniers. D’entrée, on sait qu’ici, on ne triche pas. Orgie sonique, croisement des genres, musique hybride qui creuse pour mieux toucher le ciel. Rap, trip hop, pop, variété, Antoine Elie chante comme si c’était son dernier jour. Ou son premier. Il donne et on prend, sans attendre. Il est un robot qui décide de respirer, comme dans Blade Runner, un homme qui refuse d’abdiquer. C’est saisissant, c’est de l’intelligence grenade, de l’émotion pure, des fantômes qui s’affrontent pour écrire l’avenir, ce sont deux mains qui plongent au cœur de nos ténèbres afin de dessiner quelque chose de beau, de puissant, d’indélébile. Et une voix. Quelle voix ! Elle crache autant qu’elle berce, elle hurle autant qu’elle raconte, elle ne se planque pas, jamais. On pense aussi à celle d’un autre auteur-compositeur-interprète, bordelais lui. Elle est à la fois rauque et protectrice, violente et lucide, virile et enfantine, elle égrène une poésie de survivant, c’est une valse de paradoxes enivrante.
Si l’on remonte le temps, on voit Antoine, gamin, qui enregistre sur le magnétophone paternel ses premières petites chansons. Sans rien en faire. Pour lui et pour un monde qui lui échappe. On voit encore, un peu plus tard, plusieurs participations à des concours de chant locaux : « Ça faisait un peu bête de foire » se souvient-il. Enfant de la Star Ac devant sa télé, pas franchement ébloui par l’Éducation nationale (plusieurs lycées lui demanderont d’aller voir ailleurs), il comprend très vite que les chansons valent mieux que la réalité. On lui avait dit gamin qu’il avait une belle voix. Il l’a cru. Il a eu raison.Un autre souvenir d’enfance remonte à la surface : Lui, à l’église, fasciné par une chorale. Il la regarde, médusé. « Le chant, il y a un vrai truc, ça vient me chopper depuis toujours » précise-t-il.